L’administration Biden critiquée pour ne pas avoir demandé à Israël un cessez-le-feu “immédiat”

La nouvelle administration est actuellement la cible de critiques internes et de pressions croissantes de la part de la communauté internationale pour qu’elle intervienne efficacement dans le conflit qui oppose Israël au Hamas. Beaucoup affirment que Washington ne donne pas la priorité au dossier israélo-palestinien et qu’il a raté de nombreuses opportunités d’intervenir avant que le conflit ne se transforme en confrontation militaire.

Lors d’un appel téléphonique en début de semaine, le troisième appel en 4 jours entre Biden et Netanyahu, le président américain a déclaré pour la première fois être favorable à un cessez-le-feu entre Israël et le mouvement “Hamas” à Gaza, mais il n’a pas exigé une fin immédiate aux frappes aériennes israéliennes qui se sont poursuivies pendant plus de huit jours, entrainant la mort de plus de 200 civils palestiniens.

La Maison Blanche a déclaré que le président Biden a renouvelé son ferme soutien au droit d’Israël de se défendre contre les attaques aveugles de missiles, et a salué les efforts accomplis pour ramener le calme à Jérusalem, encourageant Israël à tout mettre en œuvre pour assurer la protection des civils innocents. La déclaration a précisé que la discussion entre les deux dirigeants ont porté sur les progrès réalisés durant les opérations militaires du gouvernement israélien contre le Hamas et d’autres groupes terroristes à Gaza, le soutien au cessez-le-feu, et les discussions entre les États-Unis et l’Égypte ainsi que d’autres partenaires pour atteindre cet objectif.

Des sources de la Maison Blanche ont indiqué que les termes utilisés dans la déclaration soigneusement rédigée comportaient une dimension juridique, l’utilisation d’expressions telles que “soutien à un cessez-le-feu” étant juridiquement différent d’une demande explicite de cessez-le-feu.

Les sources indiquent que le fait de ne pas exiger une cessation immédiate des hostilités reflète la détermination de la Maison Blanche à soutenir le droit d’Israël à se défendre, notamment en raison de l’insistance d’Israël dans ses pourparlers avec les responsables de la Maison Blanche pour continuer à frapper les infrastructures militaires du Hamas. Les sources ont évoqué les déclarations du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, concernant son objectif de détruire les 100 km de tunnels appartenant au Hamas à Gaza, utilisés comme abris pour les dirigeants et les combattants de l’organisation et à travers lesquels des armes et des missiles sont transportés.

Les analystes affirment que les déclarations de Netanyahu concernant son objectif de détruire les infrastructures du Hamas ont mis l’administration Biden dans un embarras qui se reflète dans la déclaration de la Maison Blanche. Biden chercherait à éviter de mettre en avant le peu d’influence que son gouvernement a sur Israël en multipliant des appels que l’Etat hébreu s’entête à ignorer. Dans ce contexte, l’administration Biden n’est pas prête à menacer Israël de lui couper l’aide militaire américaine.

La déclaration a déclenché une pluie de critiques sur le gouvernement américain de la part de législateurs démocrates et d’organisations de défense des droits de l’homme, qui auraient voulu que Biden exige un cessez-le-feu “immédiat” en exerçant publiquement une pression sur Israël. A la Maison Blanche, l’inquiétude est palpable, d’autant que la médiation de l’Egypte et d’autres pays n’a pas réussi à aboutir à un cessez-le-feu ou à montrer la moindre lueur de progrès.

De nombreux représentants et démocrates au Sénat ont appelé à un cessez-le-feu immédiat, avertissant que les États-Unis ne pouvaient pas se contenter d’attendre et d’espérer une amélioration alors que l’armée israélienne s’est engagée à poursuivre ses frappes. Certains législateurs démocrates ont même appelé à une réduction de l’aide américaine à Israël.

Le représentant démocrate de New York, Gregory Meeks, président de la commission des affaires étrangères, s’est réuni lundi soir avec les démocrates dans le but de reporter la discussion concernant la demande de l’administration américaine de passer avec Israël un accord d’armement d’une valeur de 735 millions de dollars, une demande qui a été approuvée juste avant l’éclatement du conflit armé. Les démocrates de la Chambre des représentants craignent que des armes de fabrication américaine ne soient envoyées en Israël au moment où les autorités israéliennes bombardent des civils, des zones résidentielles et des bâtiments abritant les sièges des médias, comme cela s’est produit lors de la démolition de la tour ou se trouvaient les sièges de l’Associated Press et d’al-Jazeera.

Dans les coulisses, l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) s’emploie à saper tous les efforts destinés à faire obstruction à l’accord militaire conclu avec Israël et à mettre en garde contre tout diminution des obligations des États-Unis envers Israël.

Au Sénat, 28 législateurs démocrates ont envoyé une lettre à l’administration américaine appelant à un cessez-le-feu, demandant aux parties israélienne et palestinienne de déposer les armes et exigeant de Biden une forte intervention. Le sénateur démocrate Bob Menendez (considéré comme l’un des plus grands partisans d’Israël au sein du parti) a publié une déclaration indiquant qu’il était profondément perturbé par les frappes israéliennes qui ont entrainé la mort de civils palestiniens et la destruction de la tour abritant les médias. Il a exigé que les deux parties respectent les règles et les lois de la guerre et parviennent à une fin pacifique des combats qui ont coûté la vie à plus 200 palestiniens et à 10 israéliens. Menendez a déclaré: “Israël a le droit de se défendre contre les terroristes, mais quelle que soit la gravité et la réalité de la menace, la force de la relation américano-israélienne prospère lorsqu’elle est basée sur des valeurs communes de démocratie, de liberté, de pluralisme, et de respect des droits de l’homme et de la loi “

Le mouvement progressiste du Parti démocrate a été plus explicite en demandant à l’administration Biden de faire pression sur Israël et en exigeant que Netanyahu soit reconnu coupable de crimes de guerre, en référence aux victimes civiles et aux évacuations planifiées et forcées des palestiniens de Jérusalem-Est. De leur côté, les démocrates conservateurs et les républicains sont restés relativement silencieux, alors que 19 sénateurs républicains ont mené des efforts pour adopter une résolution soutenant Israël dans ses combats, une décision qui doit être discutée la semaine prochaine.

Les organisations de défense des droits de l’homme ont dénoncé l’inaction américaine face à l’explosion du nombre de morts du côté palestinien et la détérioration des conditions de vie dans la bande de Gaza, avec la forte baisse de l’offre alimentaire, du carburant et de l’énergie. En réponse, la porte-parole de la Maison Blanche, Jane Sackey, a réitéré que l’administration Biden était concentrée sur une diplomatie silencieuse et intense dans les coulisses.

Certains analystes fustigent contre la politique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et soutiennent que ses politiques ont aidé à ouvrir la voie au conflit actuel en créant un sentiment de désespoir parmi les palestiniens qui veulent un État indépendant.

John Alterman, directeur du programme pour le Moyen-Orient au “Center for Strategic and International Studies”, a affirmé que Netanyahu est un leader intransigeant qui a activement promu les colonies juives en Cisjordanie et dans d’autres enclaves palestiniennes.

Les précédents présidents américains, Bill Clinton à Barack Obama, ont nommé des envoyés de haut rang pour tenter de négocier un accord de paix entre les Israéliens et les Palestiniens. L’ancien président Donald Trump a chargé son gendre et conseiller principal Jared Kushner de proposer ce qu’ils espéraient être une solution de paix. Mais ces efforts ont échoué et certains pensent que Biden n’est pas disposé à consacrer ses efforts en terme de politique étrangère à un conflit qui a frustré les diplomates les plus aguerris.

Martin Indyk, l’ancien envoyé spécial américain pour les négociations israéliennes, a déclaré dans un article paru dans “Foreign Affaires” que Biden n’était pas capable de résoudre la crise actuelle, en partie à cause du désir du Hamas et d’Israël de maintenir le statu quo. Aucune des deux parties ne souhaite l’intervention des États-Unis dans le cadre de la solution à deux États. Indyk a ajouté: “Biden ne peut pas non plus ignorer la crise, son administration devra gérer le conflit d’une manière qui contribue à créer un horizon politique pour les palestiniens, ce qui signifie pousser Israël à geler ses colonies et faire pression sur Abbas pour qu’il reporte la date des élections.”

“Les seuls qui ont une réelle influence sur (le Hamas) pour le moment sont les Egyptiens”, a déclaré à CNN Dennis Ross, un ancien diplomate américain qui a travaillé pendant des années pour le processus de paix au Moyen-Orient. Il a noté que l’Égypte, qui partage une frontière avec Gaza, avait contribué à négocier les 4 derniers accords de cessez-le-feu dans la région, dont celui de 2014.

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