Le conflit israélo-palestinien met les pays arabes alliés d’Israël dans l’embarras

La tension ne retombe pas en Israël et dans les territoires palestiniens. Les nombreux appels au calme de la communauté internationale n’ont produit aucun résultat sur l’escalade de violence qui se poursuit. Les Etats-Unis et les l’Union européenne ont plusieurs fois réitéré leur appel à la retenue, mais ce sont les réactions des pays arabes ayant récemment normalisé leurs rapports avec l’Etat d’Israël qui sont les plus attendues.

La stratégie diplomatique du Maroc, du Soudan, des EAU et de Bahreïn envers Israël, se retrouve ainsi une nouvelle fois au cœur de la critique des pays arabes pour qui la cause palestinienne est un sujet très sensible. Quant au Royaume saoudien, il n’a pas encore normalisé ses relations avec Israël mais il a donné son accord à ses alliés du Golfe en faveur du rapprochement. Tous ces pays se retrouvent désormais embarrassés face à la répression dont font preuve les forces de sécurités israéliennes à l’encontre les citoyens palestiniens.

Le roi du Maroc Mohammed VI a décrit “ces violence comme inadmissibles et alimentant les tensions”, indiquant que le Maroc suit les évènement avec une “profonde inquiétude”.

Les Émirats et Bahreïn ont condamné la violente répression exercée par la sécurité israéliennes le 7 mai dernier contre les fidèles dans la mosquée sacrée al-Aqsa, troisième lieu sacré de l’islam. Abou Dhabi a appelé le gouvernement israélien à “assurer la responsabilité d’une désescalade” de la violence.

L’Arabie saoudite a rejeté “la stratégie d’Israël qui vise à évincer des dizaines de Palestiniens de leur foyer”, en référence au motif qui a déclenché les hostilités, soit la menace d’expulsion des familles palestiniennes du quartier de Cheikh Jarrah à Jérusalem-Est.

Selon Karim Sader, politologue et consultant expert des pays du Golfe, la remise du conflit israélo-palestinien sur le devant de l’actualité plonge les pays arabes alliés d’Israël dans l’embarras et les remet sous les feux de la critique. Il a partagé son analyse avec France 24.

“En traversant depuis quelques jours une période de tensions et d’escalade, le dossier israélo-palestinien, passé au second plan des priorités diplomatiques des pays du Golfe depuis plusieurs années, est redevenu un élément embarrassant pour ceux qui sont engagés dans ce processus. Et dès lors qu’un lieu saint de l’islam est au cœur des tensions, ces pays sont forcés à réagir mais dans des termes qui, en raison de leur démarche diplomatique, n’ont pas la même rhétorique, ni le même poids que celui des puissances non-arabes, à savoir la Turquie et l’Iran, en pointe pour récupérer la cause palestinienne”.

Selon le politologue, les manifestations de colère dans certains pays comme le Maroc, dans les rues ou sur les réseaux sociaux, sont venues rappeler aux dirigeants arabes “que la question du sort et des droits des Palestiniens n’est toujours pas réglée et que leurs opinions y sont toujours sensibles”.

“Cette mobilisation et cette colère sont aussi la preuve de la fragilité des processus de rapprochement et par extension qu’il n’y aura vraisemblablement pas d’accord de paix possible tant que le conflit israélo-palestinien perdurera. L’initiative de paix arabe de 2002, rejetée par Israël, liait invariablement la résolution de ce conflit à la coexistence entre les peuples et à un accord de paix. Tandis que les accords d’Abraham ont voulu outrepasser ces questions, en ayant l’ambition, et quelque part la naïveté, d’opérer des rapprochements politiques avec Israël, sans prendre en considération la question palestinienne”.

En 2002, à l’issue d’un sommet organisé à Beyrouth, les Etats de la ligue arabe avaient fait une proposition de paix à Israël avec une éventuelle normalisation des rapports, en échange de la formation d’un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale.

Selon Karim Sader, les pays arabes les plus impliqués dans leur rapprochement avec Israël se retrouvent à présent “otages du conflit israélo-palestinien et de ses soubresauts”, et que “les ressortissants et les intérêts israéliens dans les pays concernés deviennent des cibles potentielles pour des actes de représailles”.

Cependant, le rapprochement israélo-arabe ne serait pas encore en péril selon les spécialistes, bien que ces évènements “sont de nature à pousser certains acteurs régionaux, comme les Saoudiens, à revoir leurs calculs”, selon Karim Sader. “Les Émirats se trouvent certes dans une position inconfortable aujourd’hui, mais ils ont la possibilité de faire le dos rond parce que, contrairement à l’Arabie Saoudite, gardienne des lieux saints de l’islam, leur rôle a une moindre portée symbolique dans la région et parce qu’ils ont une certaine flexibilité en matière de diplomatie”, a t-il expliqué.

“Cette situation pourrait toutefois faire réfléchir le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, qui a jusqu’ici accepté de suivre les conseils de son père. Ce dernier lui recommandant de ne pas s’engager précipitamment dans une lune de miel officielle avec le gouvernement de Benjamin Netanyahu, qui a engagé une détente tacite avec le royaume. Il a une marge pour prendre la décision de ne plus suivre la même direction que celle empruntée par ses voisins et qui pourrait se retourner contre lui”, a conclut Karim Sader.

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