Affrontements à Jérusalem: L’Etat d’Israël sous la pression internationale

A l’issue d’une bataille juridique menée par l’Etat d’Israël contre leurs voisins palestiniens durant plusieurs décennies, de nombreuses familles palestiniennes du quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est sont menacées d’une expulsion imminente. Le sort de ces familles a déclenché ces derniers jours des affrontements violents entre les manifestants palestiniens et la police israélienne.

En partie en raison de ces affrontements qui ont déjà fait 300 blessés, l’Etat d’Israël est soumis à une pression internationale. Les États-Unis et l’Union européenne ont exprimé leur inquiétude face à l’explosion de violence de ces derniers jours. Les groupes de défense des droits de l’homme clament que le gouvernement israélien peut arrêter ou reporter ces expulsions s’il le souhaite.

Quelques heures avant la marche annuelle de milliers d’Israéliens à travers Jérusalem pour célébrer la journée de la ville sainte, le Conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a eu avec son homologue israélien, Meir Ben-Shabbat, un entretien téléphonique au cours duquel il lui a fait part des “graves préoccupations de Washington concernant la situation à Jérusalem, y compris les affrontements violents au Haram al-Sharif / mont du Temple pendant les derniers jours du Ramadan”, d’après un communiqué de la Maison Blanche.

Toujours d’après la Maison Blanche, Jake Sullivan a souligné “l’engagement de hauts responsables américains avec leurs homologues israéliens et palestiniens ainsi que des parties prenantes régionales clés dans un effort pour rétablir le calme”.

De son côté, Meir Ben-Shabbat a répliqué à Jake Sullivan que la mobilisation internationale dans ces évènements “ne récompense que ceux qui incitent aux troubles”, et que “l’ingérence internationale était un prix pour les émeutiers et ceux qui espéraient faire pression sur Israël”.

Selon une source diplomatique citée par la presse israélienne, Ben-Shabbat estime qu’Israël gère les événements “dans une position de souveraineté, de manière responsable et avec bon sens malgré les provocations”. “Il serait plus utile que la pression soit dirigée contre ceux qui incitent à la violence”, a t-il déclaré.

Du côté palestinien, Samira Dajani témoigne. Les Dajani sont l’une des nombreuses familles palestiniennes menacées d’expulsion imminente dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est. En 1948, ils ont fui leur maison à Baka, à présent devenu un quartier chic de Jérusalem-Ouest majoritairement juif. Après plusieurs années passées en tant que réfugiés en Jordanie, en Syrie et à Jérusalem-Est, alors contrôlée par la Jordanie, les autorités jordaniennes leur ont offert l’une des nombreuses maisons nouvellement construites à Sheikh Jarrah en échange de l’abandon de leur statut de réfugié. Samira Dajani et sa famille ont pu emménager pour la première fois dans une vraie maison en 1956.

Dans le jardin de cette maison, son père à planté des arbres à qui il a donné les prénoms de ses six enfants. Deux pins imposants nommés en l’honneur de Mousa et Daoud veillent sur l’entrée du jardin où ils jouaient quand ils étaient enfants. Les bougainvilliers roses grimpent sur une arche de fer le long du chemin bordé d’amandiers, d’orangers et de citronniers, qui mène vers leur modeste maison.

“L’arbre de Samira n’a pas de feuilles”, a t-elle fait remarquer en désignant le cyprès qui porte son prénom. “Mais les racines sont fortes.”

Dimanche 9 mai 2021, Samira Dajani et son mari, Adel Budeiri, dans le jardin de leur maison de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est, où elle vit depuis son enfance. (Photo AP / Maya Alleruzzo)

“J’ai de beaux souvenirs dans cette maison”, dit-elle à 70 ans en évoquant les jeux qu’elle a partagé avec les autres enfants du quartier, où plusieurs autres familles de réfugiés palestiniens avaient également été réinstallées. “C’était comme le paradis après notre exode.”

Pourtant, Samira, son mari et leurs enfants, seront probablement contraints de quitter définitivement leur maison de pierre. Comme d’autres familles, ils ont reçu l’ordre de partir d’ici le 1er aout prochain.

En 1972, des groupes de colons ont décrété que les familles palestiniennes empiétaient sur des terres appartenant aux juifs. Ce fut le début d’une longue bataille juridique qui a abouti à des ordonnances d’expulsion contre 36 familles à Sheikh Jarrah et dans deux autres quartiers de Jérusalem-Est. Les groupes israéliens de défense des droits de l’homme ont estimé à plus de 1 000 le nombre des palestiniens qui risquent d’être expulsés de leurs foyers.

Aujourd’hui, plus de 220 000 juifs vivent à Jérusalem-Est, principalement dans des zones qu’Israël considère comme des quartiers de sa capitale. La plupart des 350 000 résidents palestiniens de Jérusalem-Est sont entassés dans des quartiers surpeuplés où il y a peu de place pour construire.

Les Palestiniens affirment que le coût de la construction et la difficulté d’obtenir les permis les obligent à construire illégalement ou à se déplacer vers la Cisjordanie occupée, au risque de perdre leur résidence à Jérusalem. Les groupes israéliens de défense des droits de l’homme estiment que 50% des 40 000 maisons des quartiers palestiniens ont été construites sans permis et risquent d’être détruites.

En attendant, Samira Dajani a planté ses fleurs printanières dans de petits pots qu’elle compte emporter avec elle si elle est forcée de quitter sa maison. Les arbres nommés d’après elle et ses frères et sœurs devront rester. Elle dit qu’elle essaie de ne pas y penser. “Je ne me sens ni triste ni effrayée, je me sens en colère” a t-elle dit. “Si Dieu le veut, ce ne seront pas nos derniers jours ici.”

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