Yémen : Les Houthis refusent de libérer le mannequin Intissar al-Hammadi malgré une mobilisation internationale

Intissar al-Hammadi, un mannequin yéménite de 19 ans, est emprisonné au Yémen depuis plus de 2 mois. Elle a été arrêtée le 20 février par les ultraconservateurs houthis “sans mandat du parquet” ni “aucune accusation contre elle”, selon son avocat, Khaled al-Kamal.

Elle se rendait ce jour-là à une séance photo en compagnie de deux consœurs et d’un ami, eux aussi arrêtés par la milice pro-iranienne. Selon Amnesty International, ils ont été placés en détention sans mandat d’arrêt, à un poste de contrôle de Sanaa gardé par des agents en civil.

La jeune fille est connue sur les réseaux sociaux ou elle pose comme mannequin pour des créateurs locaux, parfois sans voile, ce qui représente pour les houthis un motif suffisant pour ouvrir une enquête pour “outrage à la pudeur”.

L’enquête durant laquelle la jeune fille a été questionnée sur des sujets comme la drogue et la prostitution, a été ouverte le 21 avril. “Le procureur tente de faire passer l’affaire pour un outrage à la pudeur, affirmant que ma cliente avait laissé deux mèches de cheveux dépasser ou ne portait pas de voile dans l’espace public”, a expliqué son avocat.

Pour défendre sa cliente, Khaled al-Kamal a mobilisé médias et société civile. Amnesty International a annoncé son intervention dans l’affaire et a appelé à la libération immédiate de Intissar.

Malgré les réactions déclenchées par cette affaire sur le plan médiatique et humanitaire, les houthis refusent de libérer la jeune fille et exercent même des actes d’intimidation sur son avocat pour qu’il abandonne le dossier.

Selon des rapports locaux, le juge d’instruction chargé de l’affaire de Intissar dans le contexte de sa demande de libération, a été licencié il y a deux jours. Ces rapports ont cité les déclarations de l’avocat et conseiller juridique Khaled al-Kamal, dans lesquelles il a affirmé que le parquet, contrôlé par les houthis, avait suspendu le procureur Riyadh Al-Eryani de sa mission d’enquêteur principal dans l’affaire de Intissar al-Hammadi, dans le cadre de sa demande de libération faite la semaine dernière.

L’avocat a ajouté qu’il avait également reçu des menaces pour avoir défendu la jeune fille, probablement pour le pousser à se retirer de l’affaire qui a déclenché beaucoup de réactions locales et internationales. Il a réaffirmé être convaincu de l’innocence de sa cliente détenue sans aucune justification légale, et a dénoncé l’invalidité des procédures d’arrestation et de fouille menées sans mandat officiel.

Khaled al-Kamal a souligné que la détention de sa cliente depuis plus de deux mois soulève des doutes concernant la probabilité que les houthis soient à la recherche d’autres chefs d’accusation à fabriquer contre elle, malgré la conviction du juge d’instruction démis de ses fonctions, Riad al-Eryani, de son innocence et de celle de ses collègues.

Des doutes bien fondés si on se réfère à Amnesty international qui a indiqué via son compte Twitter, que Intissar avait apposé ses empreintes sur des rapports préremplis alors qu’elle avait les yeux bandés, et que les accusations portées contre elle étaient fabriquées et sans aucune preuve.

“Yemeni Feminist Voices” (Les voix des féministes yéménites) a de son côté confirmé que le groupe continue de pratiquer un terrorisme et une oppression ciblés contre les femmes yéménites. L’organisation locale a déclaré dans un communiqué: “L’enlèvement et l’emprisonnement de la top model al-Hammadi sont dus à la nature de son métier, classé parmi les crimes majeurs par les milices extrémistes et misogynes.”

Des sources des droits de l’homme à Sanaa ont déclaré au journal “Asharq al-Awsat” que le groupe justifiait ses crimes en accusant les femmes kidnappés d’avoir violé le code vestimentaire islamique traditionnel. L’affaire al-Hammadi est la dernière d’une longue série de campagnes répressives menées contre les femmes yéménites, parmi lesquelles se trouvent des militantes et des personnalités médiatiques.

Ce dernier incident a mobilisé des centaines de militants des droits de l’homme au Yémen, qui ont lancé une vaste campagne de communication appelant à la libération rapide d’al-Hammadi.

Des rapports internationaux et locaux ont révélé qu’au moins 300 femmes et jeunes filles yéménites, dont des militantes des droits de l’homme et des membres d’organisations humanitaires, se trouvaient encore, pour des mois ou des années, dans des prisons publiques et secrètes appartenant au groupe. Accusées arbitrairement de prostitution ou de trahison, plus de 1000 femmes ont été enlevées et torturées. Certains rapports indiquent que ces femmes sont soumises à des viols et à des tortures physiques relevant du crime de guerre, et que parfois, leurs familles étaient contraintes de payer des rançons en échange de leur libération.

Selon des témoignages de sources privées à Sanaa, les milices ont demandé à la mère de Intissar de ne pas soulever le cas de sa fille dans les médias si elle souhaitait qu’elle soit libérée un jour. Elles ont également menacé de poursuites tous les membres de sa famille qui se sont adressés aux médias ou aux organisations.

L’ONU affirme que les femmes yéménites sont confrontées à un “taux élevé de violence”, des “systèmes judiciaires formel et informel discriminatoires” et des “inégalités structurelles entravant l’accès aux services de base” comme la santé et l’instruction. Tous les observateurs sont d’accord pour dire que les crimes des houthis envers les femmes ne sont pas bien différents de ceux des organisations terroristes comme Daech, al-Qaida, ou Ansar al-Sharia…

Pourtant, en février 2021, la milice pro-iranienne a été retirée par Joe Bien de la liste américaine des organisations terroristes étrangères.

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