Nazanin Zaghari-Ratcliffe, une irano-britannique prise en otage en Iran dans le cadre d’un chantage diplomatique

Nazanin Zaghari-Ratcliffe est une citoyenne britannique d’origine iranienne de 42 ans. Elle est cheffe de projet à la fondation Thomson Reuters. Depuis cinq ans, elle vit un calvaire dans les geôles iraniennes, victime d’une équation diplomatique qui ne l’implique même pas.

Après avoir rendu visite à sa famille pour le nouvel an iranien, Nazanin est arrêtée le 3 avril 2016 avec sa fille en bas âge à l’aéroport de Téhéran, pour “complot contre le régime de la république islamique”. Les autorités l’ont séparée de sa fille Gabriella et l’ont envoyée en prison après lui avoir confisqué son passeport britannique.

Jetée à plusieurs reprises dans des cellule d’isolement et privée de soins médicaux, la mère de famille qui nie fermement les accusations portées contre elle a tenté plusieurs grèves de la faim et a même envisagé le suicide.

L’histoire remonte à la dette de la Grande Bretagne envers l’Iran depuis la rupture du contrat d’armement entre les deux pays en 1979, avant le déclenchement de la révolution islamique. François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France à Téhéran, explique : “À l’époque, le chah d’Iran avait acheté plus d’un millier de blindés (1 750 chars Chieftai) à la Grande-Bretagne et il avait versé une avance car il y avait alors beaucoup d’argent dans les caisses de l’État iranien”. Sauf que le Royaume-Uni a refusé d’honorer la commande après l’avènement de la Révolution islamique et le renversement du Chah.

Après des années de négociations et de procès, les autorités britanniques ont fini par accepter en 2017 de rembourser cette dette de 464 millions d’euros, sans toutefois reconnaitre un quelconque lien entre la dette et la détention de Nazanin Zaghari-Ratcliffe. L’ennui est que les sanctions réimposées à l’Iran par Donald Trump en 2018 empêchent le Royaume-Uni d’agir. François Nicoullaud a confirmé : “Les Britanniques ne nient pas qu’ils ont une dette. Le problème, ce sont les sanctions américaines qui empêchent la Grande-Bretagne de verser l’argent à l’Iran.”

Il reste à espérer que la nouvelle administration américaine fasse la différence en menant à terme ses négociations en cours avec l’Iran. En attendant, Nazanin est retenue en otage dans un jeu diplomatique qui dépasse largement son cas selon de nombreux spécialistes de géopolitique. “La pauvre Nazanin Zaghari-Ratcliffe se trouve victime d’une lutte inextricable entre deux États”, a déploré François Nicoullaud.

Elle doit désormais faire face à de nouvelles charges qui pèsent sur elle. Le 7 mars dernier, elle a été libérée de son bracelet électronique, puis convoquée par la justice iranienne pour le 14 mars prochain afin qu’elle réponde à des accusations de “diffusion de propagande contre le régime”.

Dans ces condition, elle n’est pas près de rejoindre à Londres son mari et sa fille désormais âgée de 6 ans. Son mari, Richard Ratcliffe, ne cesse de réclamer aux autorités britanniques d’agir pour aider son épouse. “Pour moi, c’est clairement une partie d’échecs. Elle en est le pion”, a-t-il déclaré dans une récente interview . “Et ce n’est pas le début de cette partie.” a t-il ajouté.

François Nicoullaud à dénoncé un phénomène de “prise d’otage” très utilisé par l’Iran dans le cadre de chantages diplomatiques. Actuellement, des dizaines de ressortissants étrangers sont encore retenus en Iran dans des affaires similaires, dont deux français, la chercheuse Fariba Adelkhah et un touriste français détenu depuis 10 mois. Le cas des deux français pourrait être lié au verdict prononcé contre le diplomate iranien Assadollah Assadi, condamné à 20 ans de réclusion par un tribunal belge pour avoir planifié un attentat à la bombe contre des opposants iraniens, au cours d’une conférence qui a eu lieu en 2018 à Villepinte, en région parisienne.

“Ça n’est rien moins que ça. Cela relève de la prise d’otage. C’est une très mauvaise habitude iranienne pour obtenir des contreparties. Elle a commencé avec les débuts de la République islamique en 1979 lorsque 53 otages de l’ambassade américaine de Téhéran ont été détenus pendant près d’un an et demi. Depuis, ça se répète, et l’Iran a vu que ce moyen de pression extraordinaire fonctionnait au fil des années.” a affirmé le diplomate français.

Thierry Coville, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), attribue le phénomène iranien de la prise d’otage systématique à l’influence des groupes radicaux, aux Gardiens de la révolution notamment. “Les pasdarans iraniens n’ont aucune confiance dans la diplomatie traditionnelle, prônée par le président Hassan Rohani, basée sur la discussion et la normalisation des relations avec l’Occident. Eux sont sur une ligne dure, ils prônent un rapport de force brutal, qu’ils jugent plus efficace”, explique le chercheur.

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