Ibrahim Raissi, le bourreau iranien qui deviendra peut-être président

L’actuel chef de la justice iranienne, Ibrahim Raissi, est devenu ces dernières années l’homme de l’ombre qui se charge de toutes les taches ingrates auxquelles les dirigeants de son pays préfèrent éviter de s’adonner eux mêmes. Grâce au soutien du guide iranien Ali Khamenei, Raissi est devenu à la fois l’architecte de la politique étrangère de son pays et le capitaine des affaires internes les plus importantes, en plus de son prestigieux statut religieux.

Très rapidement, Raissi s’est retrouvé au sommet du système judiciaire et vice-président de l’Assemblée des experts. Il a également été désigné à la tête de la fondation Astan-e Qods-e Razavi (mausolée de l’imam Reza), un poste qui lui a conféré une dimension religieuse utile à son influence politique.

Raissi attend un éventuel nouveau poste pour sa prochaine étape, après s’être assuré du soutien des gardiens de la révolution pour l’élire au poste de président ou de guide dans le régime, ce qui pousse à s’interroger sur l’avenir de la crise iranienne sous la tutelle d’un homme qui traine derrière lui une longue liste de violations des droits de l’homme à l’intérieur de son pays.

Ibrahim Raissi, du disciple de l’ombre au guide de pouvoir

Ibrahim Raisi est né en 1961 dans une famille religieuse pauvre de la ville iranienne de Mashhad. Il a grandi au rythme des slogans de la révolution et rêvait de bâtir la “République islamique”. Dans cet objectif, il décide à l’âge de quinze de se rendre à la ville de “Qom”, le bastion des clercs purs et durs, pour y recevoir leurs enseignements. A l’école Haqqani, il se considère comme l’un des “soldats de l’Etat”.

A peine trois trois ans plus tard, le régime du Shah est renversé. C’est la que le jeune homme rempli d’idées extrémistes, a entamé sa route vers le pouvoir avec la bénédiction de ses aînés. Il avait à peine 20 ans quand il a pris ses premières fonctions en tant que juge au tribunal révolutionnaire qui a prononcé des condamnations à mort contre des milliers de jeunes manifestants, justifiées par des costumes et des slogans évolutionnaires.

Plus tard, Raissi est rapidement promu au sein du système gouvernemental grâce à deux facteurs principalement, son origine religieuse stricte qui lui a permis de gagner la confiance des dirigeants au pouvoir, et son mariage avec la fille de l’ayatollah Ahmad Alamolhoda, le représentant du Guide de la Révolution Ali Khamenei dans la province du Khorasan-e Razavi, et l’un des plus hauts fonctionnaires qui ont ordonné les assassinats et les répressions de 1980 à 1982.

Au fil des années, cette montée en puissance a dépassé les couloirs du système judiciaire. L’homme a étendu son influence au delà de ses spécialisations et renforcé ses relations avec les dirigeants des Gardiens de la révolution iranienne, toujours porté par la confiance du leader iranien Ali Khamenei, son mentor durant les années passées dans la ville de Qom dans sa jeunesse, ce qui a fait de lui l’ombre du guide au sein de l’autorité.

La confiance de Khamenei en Raissi lui a permis d’occuper le poste de chef du pouvoir judiciaire en 2017, malgré son échec aux élections présidentielles à l’époque. Mais le plus important est qu’il se prépare actuellement pour les prochaines élections présidentielles qui se tiendront dans quelques mois, et compte présenter sa candidature pour succéder à Khamenei compte tenu de l’âge avancé de ce dernier et de la détérioration de son état de santé.

La relation privilégiée du dirigeant iranien avec Raissi est l’un des facteurs qui font de lui le favori pour ce poste, d’autant qu’il peut aussi compter sur ses amitiés avec les Gardiens de la révolution iranienne, l’organe le plus important de l’Iran, dont les pouvoirs lui permettent d’empêcher tout candidat jugé inapproprié pour accéder au poste à la présidence.

Liquidation des opposants politiques et des critiques du régime.

Au cours des années pendant lesquelles Raissi a occupé des postes clés, la liquidation des opposants politiques et le recours systématique à la violence face aux opposants ont été les facteurs communs dans l’exercice de toutes les fonctions qu’il a occupées en passant de l’une à l’autre, depuis sa jeunesse jusqu’à l’âge de soixante ans. L’homme est devenu célèbre pour avoir rendu des décisions de mises à mort contre des milliers de militants, et pour son systématique recours à la violence face à tout mouvement de contestation.

Raissi a commencé très tôt à interpréter le rôle du bourreau, depuis qu’il a été choisi dans la vingtaine avec trois autres personnes, pour devenir un membre exécutant les ordres de Khomeiny durant la plus grande vague d’exécutions qui a visé 3 800 prisonniers politiques.

Au fil des ans, Raissi a pratiqué de plus en plus d’abus, distribuant les licences pour recourir à la violence en se servant des pouvoirs qui lui ont été conférés en 2009 par ses fonctions judiciaires. En tant que membre du Comité tripartite de la justice iranienne chargé d’enquêter sur le meurtre et la maltraitance des manifestants du “Mouvement vert” détenus à la prison de Kahrizik, il avait refusé d’accuser les autorités de recours à la violence et a rendu des décisions punitives à l’encontre de tous ceux qui ont accusé le régime d’éliminer les prisonniers ou de mettre leur vie en danger.

Il est également à l’origine de la disparition dans tout l’Iran de milliers d’opposants politiques prisonniers, ayant reçu des décisions d’exécution extrajudiciaire au cours des années 1990. Il a contribué à dissimuler les circonstances de leur mort et le lieu où se trouvaient leurs restes au cours des dernières années.

Le favori pour la présidence et la succession de Khamenei

les chances qu’Ibrahim Raissi succède au chef suprême iranien ou se présente en tant responsable du camp conservateur aux prochaines élections présidentielles, sont renforcées par ses liens étroits avec les dirigeants des Gardiens de la révolution qui l’ont toujours soutenu dans sa lutte de pouvoir face aux réformistes.

Il y a d’autres indications révélatrices du soutien qu’il reçoit pour sa campagne. Depuis quelques mois, lorsque les médias appartenant aux Gardiens de la Révolution l’évoquent, ils lui donnent toujours le titre de “ayatollah”. S’ajoute à cela les cours de “jurisprudence étrangère” qu’il a données récemment dans la sphère intellectuelle, une des conditions religieuses requises pour assumer le poste de guide.

Jassim Bedaiwi, professeur irakien de science politique à l’Université de Californie, a déclaré lors d’un entretien téléphonique avec “That Egypt” que, compte tenu de la nature et de la structure de l’esprit politique chiite en général et du régime iranien en particulier, l’équilibre des pouvoirs exige certaines caractéristiques du prochain chef suprême. Il est clair qu’il arrivera avec un grand soutien des Gardiens de la Révolution. Il est difficile dans ces conditions de songer à un rôle pour le camp réformiste.

L’avenir de l’Iran sous la tutelle de Raissi

L’éventuelle succession de Raissi à Khamenei en tant que guide suprême et sa possible victoire au poste de président lors des prochaines élections soulèvent des interrogations sur les conséquences de cette candidature sur les relations politiques et économiques déjà troublées entre l’Iran et la communauté internationale, notamment avec la nouvelle administration américaine qui propose l’option de revenir avec Téhéran à l’accord nucléaire iranien, comme stratégie pour faire face à ce dernier.

L’ascension de Raissi à la présidence ou sa succession en tant que guide encouragera la politique de confrontation avec le monde extérieur, loin de la diplomatie et du dialogue, car l’homme appartient au camp de ceux qui donnent la priorité au solutions militaires, comme il a fait partie de ceux qui ont rejeté l’accord nucléaire lors de sa conclusion en 2015.

Riyad Muhammad, un chercheur politique basé à Washington, a déclaré à “That Egypt” que la victoire de Raissi aux élections présidentielles iraniennes aggraverait la situation avec les Etats-Unis et les pays du Golfe, expliquant que cela augmenterait également ses chances de succéder à Khamenei.

Il a ajouté que la candidature de Raissi avait davantage de chances que celle de son rival potentiel à la présidence, le général de brigade Saeed Muhammad, un choix qui précipitera l’Iran dans une situation plus complexe dans ses relations extérieures et intérieures. Il a précisé que si Raissi accédait à la présidence, cela augmenterait ses chances de succéder à Khamenei plus tard, et ainsi étouffer toute voix réformiste au sein du régime iranien, et faire de la confrontation et de la pression maximale les seules options face à l’administration américaine.

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