Etudiants “terroristes”, homosexuels “détraqués”… Les propos virulents des dirigeants turcs envers la jeunesse de leur pays

Cela fait un mois et demi que les étudiants turcs de la prestigieuse université Bogazici (“Bosphore” en turc) manifestent pour dénoncer la mainmise du pouvoir en place sur les facultés. Malgré une répression implacable de la part des autorités turques, des dizaines de professeurs se sont joints à leurs étudiants. Tous les jours à midi, ils se rassemblent sur la pelouse du campus, tournant symboliquement le dos au bureau de Melih Bulu, le recteur nommé par le pouvoir. Ce à quoi Erdogan a répliqué : “Êtes-vous des étudiants ou des terroristes tentant d’occuper le bureau du recteur ?”

Soutenu par le régime turc, Melih Bulu n’envisage pas de démissionner, comme il l’a fait savoir au journal Habertürk : “Je ne pense absolument pas à démissionner. Je m’attendais dès le départ à ce que cette crise puisse prendre six mois pour être résolue et ce sera ainsi”, a-t-il affirmé.

Plus de 160 étudiants ont été interpelés au 15 février pour avoir réclamé la démission du recteur pro-Erdogan et contesté la détention de quatre de leurs camarades.

Ces quatre étudiants ont été arrêtés pour avoir accroché dans le cadre d’une exposition artistique dans leur université, un tableau représentant un site sacré de l’islam orné de drapeaux arc-en-ciel, symbole associé à la communauté LGBT.

Accusés “d’incitation à la haine” et “d’insulte envers l’islam”, deux d’entre eux ont été assignés à résidence, les deux autres maintenus en détention.
Une vidéo dans laquelle un policier a hurlé aux manifestants de baisser les yeux a beaucoup circulé sur le web. Depuis, “Nous n’allons pas baisser les yeux” est devenu un cri de ralliement des étudiants. Ce slogan précédé du hashtag a également envahi le net, largement relayé par les partis de l’opposition.

Cette nouvelle contestation a été déclenchée par des propos acerbes du président Recep Tayyip Erdogan envers la communauté et le mouvement LGBT, l’accusant de vandalisme et clamant que la jeunesse de son parti de la justice et du développement (AKP) ne l’approuvait pas.

“Nous allons mener vers l’avenir non pas une jeunesse LGBT, mais une jeunesse digne de l’histoire glorieuse de cette nation”, avait-il déclaré lors d’un discours s’adressant aux cadres de son parti. “Vous ne faites pas partie de la jeunesse LGBT. Vous n’êtes pas de ces jeunes qui commettent des actes de vandalisme. Au contraire, vous êtes ceux qui réparez les cœurs brisés”, a-t-il poursuivi.

“Ce sont des serpents venimeux dont les têtes doivent être écrasées”, a également déclaré Devlet Bahçeli, le chef du Parti d’action nationaliste (MHP, extrême droite), très proche d’Erdogan.

Le ministre de l’Intérieur Süleyman Soylu a de son côté mis le feu aux poudres en déclarant l’arrestation de “quatre détraqués LGBT”.

Heureusement, la jeunesse turque peut encore compter sur quelques opposants, comme le maire d’Ankara Mansur Yavas, qui a publié un tweet dans lequel il appelle Melih Bulu à démissionner : “Je vous appelle à démissionner pour rétablir le calme dans les universités et éviter la polarisation dans notre pays” a t-il écrit.

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