Après plus d’un an et demi et des dizaines de tentatives pour cibler les bases américaines en Irak, des factions et des groupes armés réputés pour leur appartenance au régime iranien et pour leur hostilité envers les États-Unis ont réussi hier soir à cibler les forces américaines dans la région du Kurdistan. Il s’agit de l’attentat le plus grave depuis plus d’un an.
Les Forces de la coalition internationale ont annoncé un mort et six blessés suite à l’attaque qui a visé Erbil, capitale du Kurdistan irakien, et son aéroport international avec 14 missiles tirés à 8 kilomètres de la ville, faisant également quatre blessés parmi les civils après la chute de plus de la moitié des roquettes sur des zones résidentielles et commerciales.
Jabbar Yawar, secrétaire général du ministère des Peshmergas (forces armées du Kurdistan), a affirmé au journal al-Sharq al-Awsat que cette opération avait été menée au moyen d’un lanceur à 12 canons utilisant des roquettes de 108 mm d’une portée de 8 kilomètres maximum. Il précise que c’est la première fois que ces groupes ont pu franchir le cordon de sécurité de la région, expliquant que la facilité d’utilisation de ce type de missile, pouvant être manipulé par une seule personne à partir d’une plateforme mobile, avait permis à ce groupe d’exploiter la nature géographique ouverte des lieux pour s’infiltrer dans le cordon de sécurité de la région, à travers les vides de sécurité sur la ligne de déploiement des forces peshmergas et des forces fédérales, qui s’étendent de la zone de Khanaqin jusqu’à la frontière irako-syrienne à Rabiaa, en passant par la plaine de Ninive.
Yawar a indiqué que “c’était le manque de coordination militaire entre les forces peshmergas et les forces fédérales, malgré les négociations en cours entre les deux parties, qui avait permis à ces groupes de s’infiltrer dans le cordon de sécurité de la région”, ajoutant que “le président de la la région a exigé dans une déclaration officielle du gouvernement fédéral et du Conseil de sécurité international, la multiplication des efforts pour combler ces vides grâce à une coordination conjointe sur le terrain et le renseignement entre les forces irakiennes, les forces peshmergas et les forces de la coalition internationale, présentes dans la région”.
Concernant la nature de l’opération, Yawar a souligné qu’elle était “similaire par sa nature et sa forme à toutes les opérations ayant ciblé les unités américaines à Bagdad et dans le reste de l’Irak dans le passé, agissant par le biais de groupes armés anarchiques aux noms fictifs, qui exprimaient leur hostilité envers la présence de forces étrangères sur les terres irakiennes”. Il ajoute que “ces groupes fugitifs étaient considérés comme une menace pour la sécurité et la stabilité de la région et représentaient l’un des défis auxquels est confronté le Premier ministre irakien, Mustafa Al-Kazemi”.
L’écrivain et analyste politique Omar Abdelkader a déclaré à al-Sharq al-Awsat que “cette opération avait véhiculé un ensemble de messages, dont le plus important est la capacité de ces groupes à atteindre les bases américaines les mieux sécurisées du Kurdistan, et leur capacité à imposer les tendances qu’ils veulent aux politiques de la région”. Abdelkader considère cette attaque comme “un dangereux précédent qui laissera un impact sur la stabilité sécuritaire habituelle dans la région du Kurdistan”.
L’attaque a été revendiquée par un groupe chiite pro-iranien appelé “Awliyaa al-Dam”. Cette même faction avait revendiqué en août dernier sa responsabilité dans le ciblage d’un convoi des forces de la coalition dans les plaines de Ninive, alors qu’il se retirait du camp Taji pour rejoindre la région du Kurdistan.
Le ministère iranien des Affaires étrangères a condamné les accusations impliquant Téhéran. L’agence de presse Fars a cité son porte-parole Said Khatibzadeh, qui aurait déclaré: “Nous réfutons fermement ces rumeurs et nous condamnons fermement cette tentative suspecte d’attribuer cet incident à l’Iran.” Le démenti iranien est survenu quelques heures après la circulation du communiqué revendiquant l’attentat par le groupe “Awliya al-Dam”, entre les “gardiens de la révolution” via l’application “Telegram”.
De son côté, Mahmoud Kifah, un conseiller du chef du Parti démocratique du Kurdistan Massoud Barzani, a confirmé à al-sharq al-Awsat qu’il y avait des indications claires que “ces groupes aux noms différents avaient un lien évident avec les gardiens de la révolution iranienne qui les arment et les financent”. Il a indiqué que “les armes utilisées dans cette opération étaient iraniennes, fabriquées par des institutions affiliées aux gardiens de la révolution, et que les premières enquêtes avaient révélé qu’un missile de sécurité (Fajr One) faisait partie des missiles”. Il a souligné que “cette opération était porteuse de nombreux messages, dont un message-test pour l’administration de Joe Biden dans le cadre de sa politique dans la région, de ses positions dans le dossier iranien, et de l’importance de son soutien à la région du Kurdistan, ainsi qu’un message au Premier ministre Mustafa Al-Kazemi et ses ambitions de réformes gouvernementales.”
Il convient de préciser que cette attaque a coïncidé avec les négociations en cours entre les délégations de la région du Kurdistan dirigées par le vice-Premier ministre Qubad Talabani à Bagdad, autour des questions en suspens, dont la part de la région dans le budget 2021. Concernant l’impact de l’attaque sur le cours des négociations, le porte-parole officiel Samir Hawramia a déclaré au nom du vice-Premier ministre de la région que “les discussions dirigées par M. Qabbad Talabani se poursuivaient à Bagdad avec les personnalités politiques et gouvernementales pour parvenir à des solutions pouvant satisfaire les deux parties, sur la base de la loi et de la constitution garantissant les droits de la région et du peuple iraquien dans son ensemble”.
