Recrudescence des attentats à Bagdad: le gouvernement irakien dans l’impasse

Après le double attentat suicide mené jeudi sur un marché du centre de Bagdad, faisant 32 victimes civiles, une embuscade tendue samedi dernier dans une région isolée du nord de la capitale a fait 11 morts et 10 blessés parmi les forces armées du Hachd-al-Chaabi, une coalition paramilitaires intégrée à l’Etat irakien, selon des informations rapportées à l’AFP par des sources au sein du Hachd.

Cette attaque n’a pas été revendiquée, mais son mode opératoire, attaque de nuit avec des armes légères, est celui adopté par l’Etat Islamique depuis sa défaite militaire en Irak fin 2017, ce qui conduit toutes les sources de l’AFP parmi les membres du Hachd à attribuer ce nouvel attentat à l’organisation terroriste.

Abou Ali al-Maliki, officier du Hachd affirme : “L’EI a lancé une attaque sur la brigade 22 du Hachd à l’est de Tikrit, chef-lieu de la province de Salah Eddine à environ 150 kilomètres au nord de Bagdad”

L’attentat suicide de jeudi, le plus meurtrier à Bagdad depuis 3 ans, a mis en évidence les insuffisances des forces de sécurité irakiennes. Revendiqué par l’organe de propagande de l’Etat islamique, les experts estiment qu’il pourrait être un cas isolé, du fait de l’incapacité des cellules clandestines retranchées dans les zones désertiques, à mener des attaques d’envergure dans la capitale irakienne, faute d’organisation et d’équipement.

Les Etats-Unis ont récemment réduit leurs effectifs militaires à 2500 hommes, les autres Etats membres de la coalition anti-EI ont quasiment tous quitté l’Irak ces derniers mois. Les forces de sécurité irakiennes se retrouvent seules à faire face aux affrontements entre groupes armés ennemis et hommes politiques rivaux à la veille des élections législatives anticipées, une tache qui n’est pas facilitée par la bureaucratie et la corruption qui sévit dans toutes les institutions irakiennes.

Avec un septième des exécutions dans le monde en 2019, soit 100 pendus pour cette seule année, l’Irak est l’un des pays qui appliquent le plus la peine de mort. Actuellement, des centaines d’exécutions sont en attentes. “Plus de 340 ordres d’exécution […] pour des faits criminels ou de terrorisme” ont été ratifiés, d’après un responsable au sein du gouvernement. Selon lui, la majorité de ces ordres d’exécution ont été ratifiés par les gouvernements précédents, mais n’ont pas diminué depuis l’arrivée au pouvoir de Barham Saleh en 2018, pourtant connu pour être opposé à la peine de mort.

Après l’attentat de Bagdad, les défenseurs des droits de l’Homme craignent une éventuelle multiplication d’exécutions arbitraires, tandis que que les irakiens réclament plus de fermeté et des actes forts dans la lutte contre le terrorisme. “La peine de mort est un outil politique” déplore Belkis Wille de Human Rights Watch à l’AFP. “Les dirigeants usent de ce genre d’annonces pour dire aux gens qu’ils agissent pour eux, sans prendre en considération le fait que les procès sont viciés” poursuit-elle.

Fin 2020, Michelle Bachelet, la Haute Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, a indiqué qu’il y a en Irak “de fréquentes violations des droits à un procès équitable, une représentation juridique inefficace, une trop grande confiance dans les aveux et de nombreuses accusations de torture et de mauvais traitements”. L’application de la peine de mort en Irak serait plutôt “une la privation arbitraire de la vie par l’État.”

Depuis l’attentat de jeudi, le président Saleh est accusé sur les réseaux sociaux de ne pas appliquer les sentences. Entre une population qui réclame vengeance, un appareil sécuritaire incapable de contenir l’hémorragie terroriste, et des prisons remplies transformées en “centres de recrutement pour djihadistes” comme le souligne Ali Bayati, membre de la Commission gouvernementale des droits humains, le gouvernement irakien semble à l’heure actuelle se trouver dans l’impasse.

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