Témoignages des femmes djihadistes du camp syrien d’Al-Hol

Dans le nord de la Syrie, le camp d’Al-Hol est en proie à la colère de dizaines d’anciennes combattantes de l’organisation terroriste Daech. Des femmes qui se sont battues seules ou auprès de leurs maris, avant de se rendre à la fin des combats sous les frappes de la coalition internationale et des Forces Démocratiques Syriennes (FDS). Certaines se sont mariées dans les prisons et les centres de détention.

Le camp d’al-Hol est situé à environ 45 kilomètres à l’est du gouvernorat d’Al-Hasakah et à moins de 15 kilomètres de la frontière syro-irakienne. Il abrite des familles venues de milliers de kilomètres pour rejoindre les rangs de Daech. Parmi leurs membres, beaucoup ont été tués, les autres sont en détention en attendant leurs procès. La majorité des gouvernements arabes et occidentaux refusent de les reprendre pour les juger devant les tribunaux de leurs pays.

Jawaher, une femme de 45 ans de la ville de Hama du centre de la Syrie, refuse comme beaucoup de femmes détenues par les FDS de quitter le camp avant de connaitre le sort de son mari. Elle raconte en pleurant :”Mon mari s’est volontairement livré à la bataille d’Al-Baghouz et était un employé de l’organisation. Il y a 22 mois je n’en savais rien. Des demandes ont été adressées pour permettre sa visite, en vain… Nous ne sortirons pas tant que nous ne connaîtrons pas le sort de nos maris, frères et enfants.”

Le camp d’Al-Hol a été conçu lors de la deuxième guerre du Golfe dans les années 1990, pour recevoir un maximum de 20 000 personnes. Aujourd’hui, le nombre de ses occupants a dépassé 60 000, pour la plupart des syriens déplacés et des réfugiés irakiens. Il comprend également une section spéciale pour les femmes immigrantes, environ 12 000 de 52 nationalités arabes et occidentales.

Anoud, une jeune femme irakienne de 27 ans raconte avec amertume comment elle a fini dans cet endroit malgré elle : “J’avais 17 ans quand mon père a décidé de rejoindre l’organisation. J’ai d’abord épousé un combattant irakien qui a été tué après quelques mois, puis j’ai épousé un combattant marocain. Après sa mort, j’ai épousé un irakien de 30 ans mon ainé.” Elle ajoute : “J’ai fait de nombreuses demandes pour rendre visite à mon mari. J’ai peur qu’il soit remis au gouvernement irakien ou la peine de mort est appliquée. Nous ignorons même s’il est toujours ici ou s’il a été transféré.”

Ces femmes déplorent des conditions de vie difficiles, décrivant le camp comme un “Etat isolé” ou elles tentent désespérément de connaitre le sort de leurs maris deux ans après la bataille d’Al-Baghouz et la fin du “califat” de l’État islamique dans la région.

À perte de vue, des rangées de tentes s’étendent avec le logo du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Des tas d’ordures et d’énormes réservoirs rouges qui fournissent de l’eau aux résidents du camp gisent dans le camp poussiéreux. Des vêtements d’enfants aux couleurs vives étendus sur des cordes et des clôtures contrastent avec le noir intégral dont sont vêtues toutes ces femmes.

Ghinwa, d’origine égyptienne, raconte que son mari a participé à plusieurs opérations de combat contre les troupes régulières des armées syriennes et irakiennes. “Mon mari est soudanais. Quand il a décidé de rejoindre Daech, j’ai accepté… Nous nous sommes rendus en Turquie puis en Syrie. Aujourd’hui, savoir ce qu’il devient et pouvoir retourner dans notre pays me semble impossible.” Elle a évoqué leur projet initial de se marier en 2010 et d’immigrer dans un pays d’Europe ou du Golfe pour travailler et économiser de l’argent, mais tous leurs rêves se sont volatilisés lorsque son mari a sympathisé avec la propagande de l’organisation et a rejoint ses rangs en 2014. Elle poursuit : “Nous sommes restés jusqu’à la bataille d’Al-Baghouz et sommes allés au camp d’Al-Hol. Nous pensions que nos gouvernements seraient sensibles à notre situation, mais nous avons été choqués par la réalité amère. Ma seule ambition aujourd’hui est de garantir la nourriture et l’eau potable.”

Une femme russe a révélé avoir essayé de s’échapper du camp à maintes reprises, et admet n’avoir aucun espoir concernant son époux. “Je ne connais pas la région”, dit-elle, “A trois reprises, des passeurs m’ont escroquée et volé mon argent.” Elle a conclu en disant : “Le gouvernement russe doit examiner notre cas. La vie ici est insupportable et les procédures de rapatriement sont très lentes.”

Devant les entrepôts de distribution de paniers et de rations alimentaires fournis par le Programme alimentaire mondial, des files interminables de femmes entièrement couvertes de noir attendent. Parmi elles des femmes enceintes, d’autres portant des nouveau-nés.

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