Un accord entre le Qatar et Bruxelles provoque la colère du secteur européen du transport aérien

La majorité des syndicats français d’Air France appellent à manifester devant le ministère des Transports à Paris contre l’accord sur le transport aérien signé entre le Qatar et l’Union européenne.

L’accord de libre-échange signé lundi entre l’Union européenne et le Qatar pour le transport aérien a provoqué la colère des acteurs de l’industrie qui redoutent une concurrence déloyale de la part de Qatar Airways, et qui estiment le contrat “incompréhensible”, “nuisible” et “déséquilibré”.

Zaïnil Nizaraly, le secrétaire général de la Fédération syndicale des transports au sein de la Force Ouvrière française (FO), a affirmé que cet accord “porte préjudice à l’ensemble du secteur du transport aérien en Europe”. Surpris par le déséquilibre qui caractérise cet accord, il a ajouté : “Nous avons d’une part le Qatar qui compte trois millions d’habitants, et nous avons d’autre part le gigantesque marché européen.”

Alan Battisti, le président de la Fédération nationale de l’aviation, a également estimé jeudi que cet accord était “néfaste” et “totalement déséquilibré”. Cette grande institution française du transport aérien a demandé “au gouvernement français de ne pas le ratifier et de ne pas le mettre en œuvre”.

L’accord, entré en vigueur avant même la ratification de tous les États membres de l’Union européenne, prévoit l’ouverture quasi illimitée de l’espace aérien européen à Qatar Airways, qui sera en mesure de desservir toutes les villes sans restriction de capacité ou de fréquence des vols.

Christophe Malloggi , le délégué syndical d’Air France, a prévenu que désormais “Qatar Airways allait pouvoir drainer tous les passagers européens sur son hub de Doha”.

Quant à Guillaume Schmid, le représentant du syndicat des pilotes “SNPL” chez Air France, il a déclaré : “Aucune compagnie européenne n’a intérêt à augmenter ses capacités au Qatar, nous n’avons rien à faire là-bas.” Pour le syndicat, le contrat est un “pari risqué”, conclu avec une compagnie aérienne “ayant toujours fait preuve de beaucoup d’opacité”.

La direction d’Air France-KLM a pour sa part “regretté la signature de cet accord qui est de nature à renforcer significativement la situation concurrentielle au départ de la France et des Pays-Bas, à un moment où la crise du Covid impacte toujours fortement son activité”.

Le contrat donne à Qatar Airways l’accès au marché du fret, puisque la compagnie pourra désormais “effectuer des vols cargo directement entre l’Union européenne et des pays tiers”, a indiqué le syndicat de pilotes dans un communiqué.

Avant la crise sanitaire du Covid-19, le fret aérien générait 15% des revenus des entreprises, depuis, ce pourcentage a doublé et “les perspectives sont solides”, selon l’Association du transport aérien international (IATA), d’ou l’importance primordiale du secteur aérien pour l’industrie européenne.

Mais pour l’UE, cet accord, le premier dans le domaine signé avec un pays du Golfe, favoriserait au contraire “une concurrence libre et non faussée” et apporterait plus de “protection sociale et environnementale”.

Qatar Airways devra entre autre, être transparent en divulgant régulièrement ses comptes selon les standards internationaux, une mesure destinée à empêcher le Qatar de verser des fonds illimités qui déséquilibreraient la concurrence.

A ce sujet, Guillaume Schmid admet que l’accord comporte bien un volet social qui vise à obliger Qatar Airways à améliorer son modèle “qui est très loin des standards européens”, mais il déplore “des contreparties pas claires ainsi que des objectifs et des voies de recours flous”.

L’Union européenne des travailleurs des transports a regretté que “cet accord ait été négocié en 2019 à une période complètement différente pour l’aviation européenne”, ajoutant que depuis le début de la crise sanitaire, “le marché a connu des changements massifs et que ce n’est pas le moment de le libéraliser davantage.”

Bien que le ministre français des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a laissé entendre le 22 septembre que la France pourrait ne pas ratifier le texte si elle le jugeait déséquilibré, des sources proches de son cercle ont indiqué mercredi qu’il veillerait à ce que “sa mise en oeuvre se fasse de manière équilibrée et dans le respect des clauses économiques, sociales et environnementales qui y figurent”.

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