L’Islamisme ou l’histoire qui se répète !

Par : Kamel ABDERRAHMANI

C’est l’extase qui règne chez certains après le plus grand exploit anti-terroriste depuis la mort d’Abou Moussab al-Zarkaoui et le maitre suprême du terrorisme islamiste Ben Laden. L’élimination d’El Baghdâdi a fait la une des médias internationaux. Elle est présentée d’une part, comme un événement majeur contre le terrorisme islamiste mondial, d’autre part, comme un coup dur contre cette idéologie sanguinaire et totalitaire ; évidemment c’est important d’éliminer l’énergumène qui a perpétré des crimes contre des musulmans, des chrétiens, en Irak et en Syrie, des civils en Europe, celui qui a participé à la destruction d’une partie de ces deux pays et qui a fondé un Califat sur leurs décombres.

Ceci m’interpelle avant tout en tant qu’être humain et humaniste.  Cependant, je suis désolé de ne pas vouloir faire partie de ces gens-là qui pensent naïvement qu’Al Baghdâdi est mort ! Certains diront que je l’admire au point de ne pas accepter sa mort. D’autres diront que j’ai peur, c’est pourquoi je n’ose pas montrer ma joie ! Je dirai qu’ils ont tous tort ! Ce n’est ni par solidarité ni par lâcheté ni par manque d’audace que je réagis ainsi, mais par conscience et par prudence. Je suis plutôt conscient que même s’il est neutralisé, les idées pour lesquelles il a tué et a terrorisé des innocents qui n’étaient pas d’accord avec lui sont toujours vivantes et véhiculées puisque d’autres vont suivre son chemin. Je refuse de tomber dans le piège de croire que le terrorisme islamiste cessera de nous guetter, de nous menacer, de menacer la paix et la stabilité des peuples en Orient tout comme en Occident !

L’islamisme avec les multiples définitions qu’il peut avoir, ne dépend d’aucune personne physique précise. Les leaders de cette mouvance ne sont pas si importants devant l’idéologie parce qu’eux-mêmes ne sont que fidèles à cette idéologie hégémonique et totalitaire, –le nazisme contemporain–. Pourtant ils sont souvent puissants et vont jusqu’à séduire des ‘’islamistes modérés’’. Je dis « islamistes modérés » et je le mets entre parenthèses car je ne fais aucune distinction entre les deux islamismes : les deux militent d’une façon ou d’une autre pour la réinstauration du califat – surtout après la révolution Iranienne qui a montré qu’il y a une possibilité de fonder des Etats purement religieux – Autrement dit, la seule différence qui réside entre les deux est le degré d’application de l’islam sunnite dans sa version politique.

Donc, il ne faut pas se leurrer, se mentir et se dire que l’islamisme n’a rien avoir avec l’islam. Effectivement, Daech ou les frères musulmans ne représentent pas l’Islam sunnite, mais ils l’appliquent sur le terrain à des degrés différents ! Même si les frères musulmans donnent cette apparence d’être modérés en faisant semblant d’être modernes, de croire aux droits de l’Homme, aux valeurs universelles et à la démocratie. Or les apparences sont souvent trompeuses, bien les leurs le sont toujours ! C’est leur tactique atypique, « une pratique de tapis qui consiste à revêtir un masque de modernité pour mieux se mêler à la foule » ; la Taqiyya[1].

Prenez un musulman sunnite Arabe, Turque, Perse, Occidental, puis demandez-lui comment les non croyants sont considérés ? Parlez-lui de l’égalité homme/femme, du Jihad, des homosexuels, les exemples sont multiples ! Essayez d’évoquer avec lui le sujet du Califat ! Les réponses seront frappantes ! Que ce soit islamiste ou musulman sunnites, les deux ont les mêmes croyances, les mêmes références, le même livre. Seul l’engagement qui fait la différence entre eux ! Grosso modo, l’islamisme dans sa version frériste ou salafiste est le nazisme oriental. Il faut savoir par exemple que Mein Kampf est le plus vendu et lu dans les milieux islamistes du Moyen-Orient[2]. Ce fascisme est motivé et régi par une certaine conception de l’islam sunnite – personne ne peut nier la relation  intime entre les deux – qui se trouve malheureusement majoritaire.

On est parfois tenté de justifier l’injustifiable car à mon sens, on ne peut  dédouaner l’islam en avançant des idées presque négationnistes laissant entendre que cette religion n’a pas de lien avec l’islamisme. Ceux qui soutiennent encore cette théorie cherchent à « cacher le soleil par un tamis » !, contribuent inconsciemment à l’effondrement de cette religion alors qu’ils devaient la dépoussiérer des violences, la raffiner et l’humaniser. Qu’ils cessent d’user de la « taqiyya », d’instrumentaliser le corpus islamique afin de tromper les naïfs, ou les idiots utiles près à les suivre !

Je le dis haut et fort tout en assumant mes responsabilités, l’islamisme est le fruit maudit du métissage entre le politique et le religieux, le combattre c’est défendre l’islam spirituel. L’islamisme a existé depuis la première nuit de la mort du prophète, depuis la naissance des concepts, «  Dar al-islam » et «  Dar al-harb ». Le premier est « domaine de la soumission à Dieu ». Il désigne initialement les pays où s’applique la charia puis, par extension, ceux à majorité musulmane et/ou gouvernés par des musulmans, et qui devraient, selon les mouvements et les partis islamistes, être gouvernés selon la charia. Le second signifie  les pays où l’Islam reste à apporter. Le mot « Harb » signifie “guerre”. Autrement dit, guerre militaire, conquête, “guerre” par la langue et par l’épée contre les autres cultes et croyances. C’est l’effort prosélytique, missionnaire et militaire à la fois. Pourtant, les deux concepts sont absents dans le coran et dans les textes prophétiques ! Ils ne sont apparus qu’avec la naissance de l’empire musulman et ses conquêtes – les conquêtes des Omeyyades, des Abbassides et des Ottomans – c’est-à-dire, les premiers acteurs majeurs à instrumentaliser l’islam à leurs fins politiques.

Toutefois, le concept le plus dangereux adopté par tous les islamistes – puisque « l’idéologie matrice est la même » – reste la notion de « Dar al-Kufr » qui signifie « le domaine des infidèles ou des incroyants ». Il désigne les pays où la loi islamique s’est appliquée auparavant, mais ne s’applique plus tels que la péninsule Ibérique  après la reconquista, la Palestine sous la domination de l’État d’Israël,  des pays musulmans sous la domination européenne ou encore des pays musulmans ayant adopté des lois laïques à l’image de la Tunisie et de la Turquie. Autrement dit, c’est un territoire qui a fait partie ou devrait faire partie du « domaine de la soumission à Dieu » mais a rejoint « la terre de la guerre ».

Aujourd’hui, le premier objectif des islamistes est de rétablir la charia dans ces pays par tous les moyens possible y compris la lutte armée contre leurs compatriotes. Autrement dit, c’est la réislamisation totale que pour faire triompher leur vision et leur interprétation de l’islam ! C’est pour cela je refuse de considérer l’islamisme comme étant un phénomène contemporain parce qu’il n’est réellement qu’une réactualisation de l’histoire islamique : une histoire qui se répète, qui pousse les islamistes à faire des dégâts au nom de Dieu.


[1] « Annie Laurent : La Taqiya est effectivement une technique visant à dissimuler un djihadiste entre deux  attentats. C’est une évidence. C’est une pratique de tapis qui consiste à revêtir un masque de modernité pour mieux se mêler à la foule. Ainsi, le djihadiste fera semblant de vivre comme tout le monde, ira danser et boire, s’habillera comme la plupart des gens… C’est une tactique qui implique de faire tapis, de se dissimuler. »

[2] https://www.lepoint.fr/monde/les-editions-pirates-de-mein-kampf-foisonnent-dans-le-monde-musulman-11-01-2016-2008725_24.php

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